Blog « Traces et Mémoire »

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Faits de la grande et de la petite Histoire, gestes et savoir-faire, traditions et folklore, personnages réels ou légendaires... Au travers des articles du blog, nos rédacteurs, nos ambassadeurs et vos coups de cœur contribueront à faire revivre l'Ardenne et la Lorraine d’autrefois.

La vraie histoire du fantôme de la Roche-en-Ardenne

23
Mar
2017

Par 23 mars 2017 Catégories Légendes, Traditions et Folklore Pas de commentaires

Chaque été, aux alentours de 22h, les visiteurs de la ville de La Roche-en-Ardenne ont la chance d’apercevoir le célèbre fantôme du château médiéval. Celui-ci se balade tranquillement sur sa propriété avant de filer dans la nuit en laissant les spectateurs ébahis !

©FTLB/ P. Willems

©FTLB/ P. Willems

Découvrir en vrai

Vous voulez le rencontrer ? Rendez-vous du 8 juillet au 26 août 2017 sur la place du Faubourg. Attention, il ne sort pas en cas de pluie et/ou de grands vents. Plus d’infos en cliquant ici!

Mais qui se cache derrière cet esprit ?

La légende de Berthe

La légende (ici résumée) a pour héroïne Berthe, la jeune et seule héritière du seigneur du lieu, le comte de La Roche. Cherchant un époux pour sa fille de 17 ans, il organise un grand tournoi au cours duquel le gagnant devait remporter la main de la demoiselle !

©FTLB/ P. Willems

©FTLB/ P. Willems

Un seul candidat se présente, le comte Waleran de Montaigu, pourtant fiancé à la comtesse Alix de Salm. Ce dernier est tellement fort et impressionnant qu’il n’a encore perdu aucun combat. Aucun des nombreux prétendants de Berthe n’ose s’opposer à lui. Berthe en est rassurée ; elle aime éperdument Waleran ! Cependant, un cavalier à la drôle de dégaine fait soudain son apparition dans la cour du château : il est petit, semble chétif et est tout vêtu de noir. A sa vue, le comte de Montaigu se met à rire : le combat ne s’éternisera pas !

Cour intérieur du château ©FTLB/ P. Willems

Cour intérieur du château ©FTLB/ P. Willems

Dans un formidable bruit de fer, son cheval de bataille lancé au grand galop, Waleran se précipite contre son faible adversaire; celui-ci n’est armé que d’un harnais léger et son cheval n’est protégé d’aucune armure. Avec une adresse merveilleuse, d’un seul bond, cette souple monture évite le choc violent du comte.

Montaigu se retourne et attaque de nouveau son adroit rival. Il multiplie les coups, sans succès. Modérant alors les bons de sa monture, le petit Chevalier s’arrête et attend en une attitude droite et provocante. A bout de nerf, le comte accoure et use de toutes ses forces pour écraser son adversaire avec son épée… en vain ! Dans son élan, il perd l’équilibre et fracasse son arme au sol. L’inconnu en profite pour trancher, d’un seul coup, la gorge du redoutable comte. Le vainqueur est félicité et conduit auprès de son épouse, résignée, dans la chambre nuptiale.

Le lendemain, les jeunes époux se font attendre. A tel point que le père décide de les rejoindre dans leur appartement. Quelle n’est pas l’horreur du père en découvrant la chambre déserte et la fenêtre ouverte. D’un bond, le comte affolé s’y précipite, scrutant le vide avec terreur: au fond de l’abîme, sur le rocher, au bord de l’Ourthe, deux points font tache: l’un était noir, l’autre blanc.

Le mystérieux petit Chevalier n’était autre que la comtesse Alix de Salm qui, sous ce déguisement et après avoir fait un pacte avec le diable, s’étaitvengée du Comte de Montaigu et de la belle Berthe de La Roche … Cette dernière erre à présent sur le lieu de son assassinat!

©FTLB/ P. Willems

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Le château, hanté par plusieurs fantômes !

Berthe n’a pas toujours été le fantôme attitré de la forteresse médiévale. Avant elle, c’est un autre couple du temps passé qui séjournait dans les ruines .Un certain comte Henri et son épouse, Dame Mathilde, étaient parents de quatre enfants :  Godefroid, Henri, Mathilde et Béatrice. Mais le malheur a voulu que la cadette, Béatrice, soit enlevée et tuée par le fils d’un seigneur voisin (Samrée), avec la complicité du diable. Bouleversés par cette perte, ses parents rôdent de temps à autre dans le château.

On doit cette histoire aux folkloristes rochois qui, en fouillant dans leurs cartons, ont rapporté ce récit du XIIème siècle où se mêlent les principaux thèmes des histoires populaires de l’époque: amour, jalousie, haine, meurtre, intervention satanique, colère divine, etc.

©FTLB/ P. Willems

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Aujourd’hui, le comte Henri et la comtesse Mathilde ont laissé leur place à la jeune Berthe qui a, elle aussi, eu la vie brisée. Ce destin tragique s’est fait connaitre dans les chaumières et auprès des touristes grâce à Jérome Pimpurniaux (Adolphe Borgnet) avec son Guide du voyageur en Ardenne (1857-1858) et au pasteur Perk avec son ouvrage In de Belgische Ardennen, publié en 1882.

Une blague qui fait la renommée de La Roche depuis plus de 60 ans !

Et en réalité, comment le fantôme a-t-il pris sa résidence au château ?

Le premier fantôme de La Roche est coiffeur ! Il s’agit du coiffeur Jean Therer, installé au pied du Trou Bourbon. Nous sommes alors au début des années 1950. Voici ce qu’il raconte dans l’hebdomadaire « Germinal « du 5 mai 1957 : « Un jour après-midi, j’avais lu, par-dessus l’épaule d’une cliente, un article de journal consacré à des fantômes anglais. Et je me suis dit : Pourquoi n’aurions-nous pas, nous aussi, un fantôme à La Roche ? ».

Le soir même, vêtu de draps blancs et d’un hennin de carton (sorte de bonnet pointu), le fantôme fait son apparition, la première d’une longue série. Le coiffeur profite d’une pause, ses clientes étant installées un moment sous le séchoir, pour filer masqué au château. Une corde accrochée aux ruines permet d’accéder au rempart depuis son jardin sans être vu.

©FTLB/ P. Willems

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Ce nouvel habitant finit par faire grand bruit au sein de la population et même par faire peur aux jeunes générations ! Tellement qu’une mise au point s’impose : l’hebdomadaire « L’Echo de La Roche » publie un communiqué le 8 juillet 1951 rédigé par le « conseil suprême des désincarnés » obligeant ledit fantôme à avertir de ses jours et heures de sorties. Le ton est donné et la blague, jouée jusqu’au bout !

Puis, ce sont les touristes curieux qui débarquent en ville, au grand bonheur des hôteliers et des restaurateurs qui voient leurs réservations s’envoler. Certains viennent de loin pour apercevoir le spectre. Pour satisfaire aux demandes du public, un jeune homme, Bernard Zimmer, est engagé pour jouer le fantôme officiel ; Jean le coiffeur prend donc sa retraite. Habitant également au pied du château, « Benny » s’y rend incognito grâce à une échelle dissimulée dans les buissons. Etudiant le jour et fantôme la nuit, le garçon mènera sa carrière vespérale de 1956 à 1960 avec tous les honneurs : la tv, la radio et la presse, même étrangère ! En effet, un article de l’hebdomadaire « Zondag Nieuws » (6 septembre 1959) consacre une pleine page au phénomène rochois tout en étant publié à … Sumatra !

©FTLB/ P. Willems

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Progressivement, au cours des années 50, le « show » se professionnalise et se modernise : éclairage partiel des ruines, déco moyenâgeux, jeu de sons et lumières (1958), etc. Tout est mis en œuvre pour un spectacle inédit qui ravit aussi bien les grands que les petits.

Le fantôme de Berthe devient la figure emblématique de la ville : une poupée souvenir, le logo d’une firme de salaisons rochoise, une bière (Brasserie artisanale de Soy en 1988) et bien d’autres produits dérivés. Comme quoi, parti du pied du château, un modeste drap de coiffeur est devenu le symbole touristique de La Roche-en-Ardenne !

©FTLB/ P. Willems

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Sources

Nollomont Charles, Le pays de La Roche par les textes, florilège de folklore et d’histoire, Histoire Collective, 1999.

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